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EXPOSITION PERSONNELLE CHEZ LESLIE'S ART GALLERY, BRIDEL, LUXEMBOURG

 

C'est tout un monde!

 
image Un pont au-delà duquel s'ouvre un autre monde, tout en fantaisie, en ironie et en burlesque. La touche singulière de Marine Karbowski.

Donner une autre vision du réel et s'amuser de situations extravagantes : telles sont les inspirations de la peintre. Avec elle, il y a toujours une porte ouverte sur un monde flashy tout en fantaisie. Place, donc, à l'évasion! De notre journaliste Grégory Cimatti

De prime abord, s'il n'y avait pas cette surenchère de couleurs explosives, avec ce ciel sans azur et cette terre sentant le soufre, jaunie et craquelée, sans oublier quelques symboles déroutants, parsemés ici et là, on pourrait croire que Marine Karbowski fait dans l'authentique. Pêcheur rêveur, les yeux dans le(s) vague(s), contemplant «son» port. Animaux, figés et interrogatifs, qui attendent on ne sait quoi... Rien de très fantasmagorique, en somme. Mais c'est mal connaître la jeune femme, qui aime prendre son monde à contre-pied.
Les pieds de nez, c'est son domaine. L'incongru, sa philosophie. «J'aime cet humour-là dans la vie, les choses en décalage», lâche-t-elle tout de go. Et comme pour ne pas se sentir trop enracinée et prisonnière d'un environnement «trop fade et trop structuré» à son goût, elle se permet de nombreuses échappées, empruntant dès qu'elle le peut des portes dérobées. «C'est clair, je m'efforce de parler du réel, mais en le dépassant, en créant des paysages à moi, explique-t-elle. Ils deviennent mes terrains de jeu, que je garnis à l'instar d'un metteur en scène. Et mon penchant pour le surréalisme et l'absurde fait le reste»...
C'est ainsi que les formes, tout en dualité, apparaissent, et que les teintes, libres et folles, se laissent aller à l'excentricité et à l'anarchisme, pour un univers onirique, magique, parfois angoissant, voire apocalyptique. Puis arrivent les personnages, à peine humains, acteurs statiques souvent utilisés à contre-emploi, placés dans des situations qui leur échappent, dans un milieu qui n'est pas le leur. Là, un homme sciant un poteau télégraphique, ici, un arbre aux pendus, têtes à l'envers, ou encore ce capitaine, laissant son bateau voguer sans lui, alors qu'il consulte... des méduses.


Univers déstabilisants et familiers

Forcément, quand on connaît le penchant littéraire de l'artiste, on pense de suite aux grands nouvellistes fin de siècle comme Guy de Maupassant, Edgar Allan Poe et Guillaume Apollinaire. Elle évoque aussi les peintres Lucian Freud et Egon Schiele, les auteurs John Maxwell Coetzee et James Ellroy, le psychanalyste Carl Gustav Jung, le philosophe Gilles Deleuze et, pour que la panoplie soit complète, les deux frères cinéastes Joel et Ethan Cohen. On aurait aussi envie d'ajouter David Lynch, notamment pour ses derniers travaux, avec ces animaux - un thème récurrent chez elle - placés au beau milieu d'une forêt. Un écureuil saurait quoi faire, pas un cheval, ni un mouton, et encore moins un rhinocéros! On est clairement dans l'apparition, le fantomatique, le fantastique.
L'exposition regroupe des toiles grands formats - ainsi que des dessins - datant des quatre dernières années. De quoi avoir un panel assez représentatif des orientations et des humeurs de Marine Karbowski. On passe du bouillonnant au spleen. Aurait-elle perdu le goût de rire? «C'est vrai que les premières peintures font un peu "adolescentes", alors que les dernières sont nettement plus mélancoliques, avec des couleurs atténuées. J'ai peut-être murie!»
Pour autant, ces univers, certes distincts, restent déstabilisants et immédiatement familiers, jusque dans leur angoisse. Reste à jeter un œil sur les titres, qui accompagnent merveilleusement bien ces œuvres tout en rupture Le Capitaine n'est pas à bord, il caresse son renard, Les Champignons du forgeron ne sont pas comestibles, Parler morse, ou encore, l'excellent Ici, c'est l'enfer, mais peut-on y manger des glaces? Pas de raison de se tromper, on est clairement dans le 58e degré, pour un voyage dans un royaume parallèle. Une grande parade de rêves grinçants.

 Grégory Cimatti

 

   
   
   
   
    
      

 

 

 

 

 

 

 

 

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